Sandeep Bhagwati

Transience

Écouter un extrait de Inside A Native Land (2e performance, 12 mars 2005 à l'église Heiligkreuzkirche Berlin). Composé par Sandeep Bhagwati. Inside A Native Land a été commandé par le Fonds culturel de l'état fédéral de Baden-Wuerttemberg et le Festival Maerzmusik Berlin. Interprété par Mike Svoboda (Trombone), Ensemble Mosaik Berlin, Hannes Galette Seidl (Ordinateur).

Refusant de faire une distinction entre ses concepts musicaux et la notation musicale, le travail de Sandeep Bhagwati le mène au-delà des ­limi­tes des partitions traditionnelles et des limites de la manière ­linéaire et séquentielle de conce­voir la musique, imposée par la notation standard. Ainsi, Bhagwati utilise la notation comme un outil dialectique de composition ; de nouvelles formes de notation émergent de ses expérimentations musicales, et de nouvelles idées musicales émergent de ses expé­riences autour de la notation. De cette manière, chaque nouvelle pièce présente une forme unique de notation. Avec Transience (2008), il crée un processus musical de découverte pour les musiciens, de telle sorte qu’ils doivent « dénicher [la pièce] de la partition » lors d’une performance. Pour cela, Bhagwati est inspiré par les scripts de théâtre indiquant le texte, mais pas la durée ou l’accent expressif des mots prononcés. Plutôt, l’acte créatif final est travaillé sur scène durant les répétitions et les performances.

La partition

La partition de Transience consiste en plusieurs piles de cartes s’agençant ensemble, un peu comme une boîte bento*. Les matrices présentent des manières d’organiser chacune des piles de cartes pour chaque paramètre, et ainsi, rendent possibles divers parcours à travers chaque paramètre durant une performance donnée. Chaque pile de cartes contient des instructions pour un paramètre particulier de la pièce, incluant la récitation du style du texte, les enveloppes des phrasés, la tonalité, l’atmosphère générale du mouvement, l’interaction entre les musiciens, les entrées des musiciens, la durée du mouvement, le texte lui-même en trois formats (japonais médiéval, japo­nais médiéval en translittération phonétique et anglais), ainsi que les motifs rythmiques et mélodiques, et finalement, la pile « x » dictant aux musiciens de quelles piles il faut retirer des cartes afin de créer le prochain mouvement. Ainsi, la relation entre la partition et l’interprétation est dynamique. Les changements dans la partition présentent de nouveaux paramètres à intégrer durant la représentation même, et la navigation à travers ces défis mène à d’autres changements au sein de la partition. Bhagwati intègre un grand registre de styles de notations à l’intérieur de la partition, incluant des représentations standard et proportionnelles à la hauteur et au rythme ; du texte, ­incluant des instructions poétiques et abstraites inspirant l’atmosphère du mouvement ; ainsi que des symboles graphiques indiquant la courbe dynamique de certains paramètres. Ce faisant, Bhagwati négocie les limi­tes entre les éléments fixes et non-fixes dans la musique de manière à ce que la partition soit favorable à ce processus créatif de découverte musicale.

* Une boîte bento est la version japonaise d’une boîte à lunch, composée de plusieurs compartiments rectangulaires de différentes grandeurs, remplis de différents mets, ensemble formant un plateau complet – et un repas complet. Ainsi, le repas n’est pas présenté de manière continue, comme un menu, ni comme une hiérarchie de goûts, mais plutôt comme un choix qui peut être recomposé dans n’importe quel ordre et superposition à chaque repas et par chaque personne.

Combinaisons étranges

Pour les musiciens, le défi de Transience réside dans la négociation des contradictions musicales émergeant au cours de la pièce. Selon Bhagwati : « [c]ela peut sembler difficile de combiner toutes les demandes apparaissant sur la même page. [Par exemple], comment suivre F « Détruire » lorsque E recommande « comme sur un lac silencieux » ? […] [L]es combinaisons étranges comme celle-ci arriveront – et sont la raison d’être de cette pièce. Ces instructions « paradoxales » créeront des défis colossaux pour votre imagination musicale. » À l’origine, Transience a été écrit pour un koto, une flûte à bec et un chanteur ; cependant, l’instrumentation n’est pas fixe. L’intention de Bhagwati avec cette pièce est de réunir des instruments de deux traditions musicales différentes, par exemple des traditions occidentales et orientales, des instruments d’époque et des instruments contemporains, des instruments standard et des instruments nouveaux. Les musiciens sont donc mis au défi de réconcilier des cultures contrastantes, voire opposées.

Interprétation

Transience sera interprété vendredi le 8 mai à la Chapelle Historique du Bon-Pasteur (100, rue Sherbrooke Est) à 20 heures avec Cléo Palacio-Quintin (hyper-flûte, flûte basse et électronique) et Elin Söderström (viole de gambe).

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Copyright 2009. Last modified on February 23, 2009